Miroir présumé de Léonard de Vinci

Miroir de forme ovale, souligné d'une torsade en métal, présenté dans un encadrement en ivoire en partie ajouré.
Le miroir est sommé dans sa partie supérieure de volutes affrontées et encadré d'un texte gravé sur un filet d'argent (925/1000) orné d'une rosace aux quatre coins. La prise en forme d'écusson est flanquée de volutes.
Les filets d'argent développent cette inscription italienne :"DI . ME . NON . TI. // DOLER . DONNA . GIAMAI . // CHE . BEN . TI . RENDO . // QVEL . CHE . TV . MI . DAI ."
Au revers, un motif de cercles.
Italie, époque XVIe siècle.
(Petites fentes à l'ivoire).
Sur la tranche du miroir, l'Ex-Libris de la collection Michel de Bry: "Pro captu lectoris". ("Les livres ont leur destinée").
Hauteur : 12,1 cm.
Largeur : 7,2 cm.
Profondeur : 0,8 cm.

Provenance :
- Collection de Madame Jubinal de Saint-Albin, épouse d'Achille Jubinal.
- Collection Michel de Bry.
- Collection de M. et Mme G., acquis en 1966 à l'Hôtel Drouot.

Références :
- Bibliothèque d'un humaniste [Michel de Bry]. Manuscrits, livres, objets d'art, vente à l'Hôtel Drouot les 5 et 6 décembre 1966 sous le ministère de maître Étienne Ader. Miroir reproduit sur la page de titre du catalogue et planche XX (lot 213).
- Serge Roche, Miroir, Galeries et cabinets de glaces, Paris 1961, reproduit planche 209.
- Maze-Sencier, Le Livre des collectionneurs, 1885, page 756.
- Ernest Bosc, Dictionnaire de l'art et de la curiosité, Paris, Firmin-Didot, 1883, page 460, fig. 524.
- Carlo Vecce, La parola e l'icona : dai rebus de Leonardo ai 'fermagli' di Fabricio Luna ; Achademia Leonardi Vinci, Carlo Pedretti, Volume VIII, 1995, page 175.

Spécimen réalisé dans de l'ivoire d'Elephantidae spp (I/A), spécimen dit pré-convention antérieur au 01/06/1947 (Regle CE 338/97 du 9 déc. 1996 art. 2-W mc). De ce fait, l'utilisation commerciale dans l'UE est permise. En revanche, pour une sortie de l'UE, un CITES de ré-export sera nécessaire, celui-ci étant à la charge du futur acquéreur.

Pour tenir ses écrits à l'abri des regards indiscrets, Léonard de Vinci avait l'habitude d'écrire de droite à gauche, si bien qu'il fallait un miroir pour lire ses manuscrits. Évidemment, ce procédé n'offre qu'une très faible protection, mais à son époque c'était assez efficace, puisque peu de gens savaient lire. Ainsi dans Les Vies des Meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Giorgio Vasari explique comment Leonard de Vinci "écrivait à rebours et de la main gauche de façon qu'on ne peut rien déchiffrer qu'à l'aide d'un miroir".
L'Écriture spéculaire ou "écriture en miroir" est une forme d'écriture où les mots de la langue du transcripteur s'écrivent dans l'ordre inverse du mode de lecture normal associé à une inversion graphique latérale des lettres.
Comme son nom l'indique, elle donne l'impression que les phrases transcrites sont reflétées par un miroir. C'est d'ailleurs à l'aide d'un miroir apposé contre la surface d'écriture que l'on déchiffre un texte rédigé en écriture spéculaire, à défaut d'être entraîné à la lire comme telle. Parmi de nombreux écrits de Léonard de Vinci, les notes encadrant l'Homme de Vitruve sont un parfait exemple d'écriture spéculaire.
Léonard de Vinci s'intéressait notamment à la technique de fabrication des miroirs et il imagina durant son séjour romain une machine à polir les miroirs (Codex Atlanticus, folio 1057, Machine et instrument pour le travail des miroirs concaves).
C'est au XVe siècle, à Venise, que se développe la fabrication des miroirs étamés (les fameux miroirs au mercure). Ces miroirs avaient un grand pouvoir de réflexion et étaient surtout d'une pureté exceptionnelle, mais ne pouvaient avoir que des dimensions réduites car ils étaient fabriqués à partir de cylindres de verre soufflé que l'on fendait et que l'on aplatissait sur une pierre. À Florence, vers 1500, apparaissent les premiers miroirs à verre étamé.
Ernest Bosc, dans son Dictionnaire de l'art et de la curiosité propose une traduction erronée de l'inscription en italien figurant autour du miroir. Il faut en fait lire "De moi ne te plains, ô femme, jamais, si je te rends bien ce que tu me donnes".
Il ajoute également que "cet ustensile fait partie du mobilier conservé dans le château du Cloux, près d'Amboise, que Léonard de Vinci avait reçu de François Ier, et c'est là que le grand artiste mourut en 1519".
Le livre des Collectionneurs de Maze-Sencier mentionne le miroir en précisant que celui-ci a appartenu à Madame Jubinal de Saint-Albin et provenant de la maison de Léonard de Vinci. Il ajoute que madame Jubinal possède "l'une des plus charmantes collections de miroirs qu'un amateur ait pu réunir".
Enfin, Michel de Bry, qui fut l'un des propriétaires de ce miroir proposa une explication à la mystérieuse inscription en italien. Il y reconnut une anagramme en latin : "ET LEONARDO DA VINCI GEMINET LEONARDO DA VINCI HEBENT Q MIHI. M.D." ("Et que Léonard de Vinci double Léonard de Vinci, et tous deux sont abasourdis, 1500").

Nous remercions Ludovic MIRAND, Bibliographe, pour sa précieuse collaboration.

Estimation : 60 000 / 120 000 €